mercredi 22 décembre 2010

Tunisie/Sidi Bouzid, non à un développement à deux vitesses

Publié le Lundi 20 Décembre 2010 à 17:05
La région de Sidi Bouzid a vécu le week-end dernier quelques remous, au lendemain de la tentative de suicide d’un jeune commerçant ambulant, diplômé de l’université, rapportent les agences de presse internationales.

Rongé par le désespoir, le jeune homme, âgé d'une vingtaine d'années, a tenté de s'immoler par le feu après s'être aspergé d'essence devant le siège du gouvernorat. Atteint de brûlures graves, il a été transporté à l'hôpital où il est "entre la vie et la mort". Un drame qui a mis cette ville du Centre-ouest de la Tunisie, à 265km de Tunis, dans l’émoi, et provoqué la colère de ses habitants, à en croire l'AP et Reuters.

Ce drame social regrettable pose encore une fois la problématique du développement régional en Tunisie, voire du modèle de développement dans son ensemble adopté depuis des décennies dans notre pays, qui a longtemps favorisé la capitale et les villes côtières aux dépens des régions de l’intérieur. Puisque, les efforts qui y sont consentis n’ont pas encore produit des résultats escomptés, et ces régions, notamment celles du Centre-ouest, sont encore dépourvues d’un tissu économique digne de ce nom, et souffrent d’un fort taux de chômage, dépassant de loin le taux national qui est aux alentours de 13.3%.

De nombreuses études menées, pour le compte du gouvernement, montrent le hiatus qui ne cesse de se creuser entre les différentes régions de la Tunisie. La majeure partie des investissements et des projets est concentrée à Tunis et sur le littoral, là où il y a toutes les commodités et l’infrastructure de base, aux dépens des villes de l’intérieur dont les besoins en termes de développement socio-économique restent, grosso modo, insatisfaits.

La décentralisation des universités, en ce sens que la majorité des régions sont d’ores et déjà dotées d’un établissement d’enseignement supérieur, n’a pas été accompagnée par une décentralisation au niveau des capitaux, et des projets.

Le Centre-ouest, dont Sidi Bouzid, qui reste le plus grand pourvoyeur de migrants pour le pays, est en train de se vider de ses jeunes, voire de ses forces vives qui préfèrent mettre le cap sur d’autres régions, du Centre-est notamment, où ils estiment avoir plus de chances de trouver un emploi et de construire un avenir, sans plus jamais revenir. Cette région connait un solde migratoire négatif de -36.9%, à en croire la dernière enquête de l’INS sur la population et l’habitat. Au cours du quinquennat 2004-2009, 45.2 mille personnes ont quitté le Centre-ouest, contre 8.3 mille qui s’y sont installées.

Eminemment agricole, la région demeure confrontée à un taux de chômage important, et ses jeunes ont toutes les peines du monde à intégrer la vie active. Comment éviter que ces jeunes ne sombrent dans la désespérance. Et bien, il faut impérativement leur mettre le pied à l’étrier, et les doter des attributs d’une vie décente, génératrice d’équilibre et de paix sociale.

Il est temps de revoir en profondeur notre modèle de développement et le découpage administratif du pays, comme le préconisent instamment de nombreux économistes, au vu des disparités régionales qui vont grandissantes. Sidi Bouzid est une région agricole et d’élevage, un atout qui reste à préserver et à développer, selon une stratégie agricole viable à même de contribuer à la sécurité alimentaire de la région, et du pays. Mais, elle ne peut pas continuer à vivre de la seule agriculture. Il faut qu’elle soit dotée d’un tissu économique incluant les secteurs industriel et tertiaire. Il serait ainsi opportun d’y développer des unités d’industrie agro-alimentaires, ou autres usines qui soient adaptées à sa vocation et son positionnement géographique.

On entend toujours dire dans le discours officiel, que des réseaux routiers et autoroutiers seront érigés dans les coins et recoins de la Tunisie, pour désenclaver les régions de l’Intérieur, dont celles du Centre-Ouest, et les arrimer à la locomotive de développement intégral. Sauf que ces régions ont des préoccupations immédiates qui méritent des réponses urgentes. Il ne s’agit pas de planifier des projets à l’horizon de 2030 ou 2050. Les jeunes de Sid Bouzid, et d’autres régions de la Tunisie, ont à cœur de construire leur avenir dès aujourd’hui. Ils souhaitent gagner leur vie, fonder un foyer, avoir un rôle actif dans la société, contribuer et profiter du développement de leur région. Ils en ont assez d'être en quelque sorte des laissés-pour-compte.

Un changement du calendrier et des priorités de développement s’impose. On a bien introduit les plans de développement dits mobiles (ou glissants) pour réadapter le processus de développement aux mutations nationales et internationales. Qu’une partie de ces fonds soit débloquée en faveur de ces régions en mal d’essor. Nos compatriotes de l’Intérieur ne demandent pas la lune, ils ont juste besoin d’avoir des raisons de garder espoir, de rester chez eux, et de vivre en toute tranquillité.

L’Etat doit assumer son entière responsabilité. Il doit doter ces régions des commodités nécessaires et y créer une plateforme propice afin qu’elles puissent polariser les investissements, et être un vivier de production et de création de richesses. C’est seulement ainsi que le secteur privé daignera tourner son regard vers l'arrière-pays pour y lancer des projets et créer des emplois.

La Tunisie est un petit pays d’à peine 164 mille km2, et d’un peu plus de dix millions d’habitants. Tout Tunisien est en droit d’aspirer à une vie digne, et d’exiger un partage équitable des fruits de la croissance.
H.J.
http://www.gnet.tn/temps-fort/tunisie/sidi-bouzid-non-a-un-developpement-a-double-vitesse/id-menu-325.html

2 commentaires:

Anonyme a dit…

madame veuillez citer votre source , il s'agit d'un article du site d'information www.Gnet.tn

DIDON a dit…

Sans vouloir offenser quiconque, je dois dire que j'ai déjà inséré un lien sur le titre et la date de sa publication !
un article qui à travers tous ceux que j'ai lu, mérite d'être lu et relu